Philippe Di Meo est un écrivain, un critique et un traducteur. On lui doit entre autres un livre de référence sur Pasolini. On lui est aussi redevable de traductions françaises d’Andrea Zanzotto, Giorgio Manganelli, Carlo Emilio Gadda, Giorgio Caproni, Bartolo Cattafi,
Pier Paolo Pasolini, Giuseppe Bonaviri, Federigo Tozzi, Edgardo Franzosini, etc., couronnées de plusieurs prix. Il a en outre écrit de nombreux essais sur la littérature française et italienne, la peinture et le cinéma et collabore à de nombreux sites et revues littéraires.
Il est également l’auteur d’un recueil de poésie Hypnagogiques publié en 1998 aux Éditions Rencontres.
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Dans un clair-obscur chatoyant semé de zébrures aveuglantes d’évidence, Philippe Di Meo retourne et détourne ici, dans Enjambées, avec une rare sensualité le langage reçu en partage et les formules elles-mêmes. Car la poésie est bien évidemment toujours un dire autrement. Le réel s’en trouve ainsi appréhendé au plus près de la sensation ressentie.
C’est que visant à une authenticité, il fait en sorte que sa langue constamment en mouvement ne se fige jamais en stéréotypes délétères.
Aussi, souvent suspendu, le sens est-il donné par suggestions, allusions, in absentia ou autres rebonds. Pour y atteindre le poète se prévaut de l’aura d’une discontinuité narrative incessante amendée par une continuité symbolique soutenue.
À l’occasion, pour pallier l’insuffisance des ressources lexicales, le poète inclut des signes graphiques et même de petits dessins dans des pièces poétiques parées d’une spatialité picturale inattendue.
L’euphonie des allitérations, et autres assonances verbales, concourt à camper la composition totale recherchée. Ce faisant, le genre poétique retrouve des attributs anciens tout en acquérant de nouveaux.
Tantôt avec un humour désopilant, tantôt avec gravité vraie, la langue est exaltée pour mieux dénier aux mots un rapport d’identité avec les choses. Car, bien sûr, nous ne l’ignorons pas, les mots ne sont pas les choses. Pareil parti pris stylistique permet alors paradoxalement de convoquer l’hypertrophie débordante du réel dans laquelle s’inscrit cette poésie excentrique en forme de jeu scrupuleux.
Enjambées (extraits)
Pêle-mêle
Tout n’est-il finalement pas déjà dit
les illustrations sont au reste
proches de l’intersection
ici une houle sans humeur
pêle-mêle des pistes
de temps à autre des listes
en dépit des accessoires
dessinés avec certaine gaucherie
des temps coulant tous de source
donnés avec l’adverbe résiduel des sous-bois
bien sûr s’en accommoder
sur le moment ne pas céder aux
autres choses esquivées
même si de façon lente et très progressive
et pencher pour la seconde hypothèse
attraper se révèle à l’évidence un peu fort
un mouvement de recul s’avère nécessaire
du temps pour que je m’y surprenne
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Sa franchise
« où est la lumière »
sa franchise se met à mal
le mystère n’est-il pas une accalmie
sans entrave au rez-de-chaussée
un moment hors d’haleine
une q. ne s’adresse pas à elle-même
le paradis est un lieu qui commence
l’histoire des oiseaux se plaît d’ailleurs
plutôt bien en enfance
des chiens grands comme des maisons
un rêve-fronde qui gronde
c’est d’ailleurs tout le problème
la plupart nous avaient obligés
la météo et les étoiles-semence
certains approuvaient l’initiative